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SOMMAIRE
Durée : 03:48. © Patrick Kersalé 2025.
Dans les tréfonds de la Bretagne, il est des récits que le vent et les eaux transportent encore, au détour des forêts et de chapelles oubliées.
Celui que je vais vous conter est l’un de ces murmures du passé : la légende du roi Guinvarc’h.
À Châteauneuf-du-Faou, la chapelle Saint-Ruelin du Moustoir, bâtie au début du XVIIᵉ siècle, en garde encore un silencieux témoignage.
Guinvarc’h était un roi puissant, perclus de vanité. Comme les rois Midas en Phrygie, Marc’h en Irlande, il porta l’offense jusqu’aux portes du royaume des Cieux. Le châtiment fut alors à la hauteur de sa faute : une longue crinière et des oreilles de cheval greffées à sa tête royale.
Ses oreilles, il pouvait les cacher sous un large « kalabousen ».
Chaque jour, sa crinière renaissait, indomptable, et chaque jour il fallait la main d’un habile barbier pour en apaiser l’élan. Afin de préserver le secret, Guinvarc’h faisait taire à jamais ceux qui l’avait touchée.
Ainsi tombaient les barbiers, l’un après l’autre, sous la malédiction de ce roi prisonnier de sa honte.
Un jour pourtant, se présenta un jeune homme du nom de Yeunig. Il disait posséder des ciseaux magiques, capables d’apprivoiser la rebelle crinière.
Miracle ! Le lendemain, aucun poil ne repoussa. Alors, craignant que le prodige ne soit qu’éphémère, Guinvarc’h laissa la vie à Yeunig…
Mais le trop lourd secret brûlait dans le cœur du garçon. Pour se libérer, il creusa un trou au pied d’un vieux sureau, un arbre que l’on disait capable d’éloigner le Démon.
Dans le silence de la terre, il confia son fardeau : « Le roi Guinvarc’h a deux oreilles de cheval… Le roi Guinvarc’h a deux oreilles de cheval… » Puis il reboucha la fosse, soulagé, et repartit.
Bien des lunes passèrent.
Un jour de fête, Guinvarc’h invita tous les danseurs de la contrée pour battre l’aire des moissons.
À cette occasion, le sonneur, cherchant à remplacer l’anche de son instrument, coupa une branche du sureau au pied duquel dormait le secret.
Dès que le bois toucha sa bouche, la mélodie s'envola d'elle-même, claire et railleuse : « Le roi Guinvarc’h a deux oreilles de cheval ! Le roi Guinvarc’h a deux oreilles de cheval ! »
Emporté par la colère, le roi renversa le musicien et s’empara de l’instrument. Mais à peine en approcha-t-il ses lèvres que, de nouveau, la vérité résonna, implacable.
Rongé par la honte, Guinvarc’h se retira du monde.
La légende raconte qu'il partit cacher son secret dans l'île Chevalier, près de Pont-l'Abbé.
Nul ne le revit jamais.
Seuls le vent et la mer se souviennent encore de son nom…