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Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 2009-2025, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 17 juin 2025.
SOMMAIRE
La plus ancienne de représentation d'une flûte à embouchure terminale se trouve représentée sur la Palette aux deux chiens[1] — aussi appelée Palette de l’Ashmolean, c. 3300–3100 AEC. Ces deux faces sont sculptées en bas-relief avec des scènes représentant à la fois des animaux réels, comme la paire de lycaons qui encadrent le sommet et d’où la palette tire son nom, et des créatures mythiques, notamment des félins à longs cous sinueux qui entourent la dépression centrale. Le godet réservé au broyage des pigments ne montre aucun signe d’utilisation, ce qui suggère qu’il s’agissait d’un objet cérémoniel.
Pour les Égyptiens, les déserts bordant la vallée du Nil étaient le domaine des animaux sauvages et des bêtes mythiques. Entre les chiens sautants sculptés de façon symétrique et sous les bêtes à longs cous, les créatures présentent un enchevêtrement confus de formes, véritable image du désordre et du chaos.
Au revers de la palette, un mélange d’animaux sauvages fabuleux et réels occupe le côté gauche de la scène, d’où ils attaquent une série d’herbivores originaires d’Afrique du Nord. En haut, on trouve une paire de lions, un serpopard, une panthère, une hyène et un griffon aux ailes en forme de peigne.
Dans la partie inférieure, apparaît un théranthrope musicien, être hybride mi-humain, mi-animal, caractéristique de nombreux récits mythologiques ; il pourrait s’agir d’un fennec, reconnaissable à ses grandes oreilles et à sa longue queue. Sa taille est ceinte d’une ceinture. Il joue d’une longue flûte à embouchure terminale. L’animal se dresse sur ses membres postérieurs à la manière d’un humain, tandis que ses pattes avant, en réalité deux bras et deux mains dotées de doigts parfaitement aptes à boucher les trous de jeu de l’instrument. On remarquera également que chaque nœud du roseau est marqué par deux traits, délimitant ainsi cinq entrenœuds, un détail qui souligne la précision de la représentation et la volonté de figurer un objet bien réel.
Vers 4400 AEC, de telles palettes en pierre de siltite, offrant une surface plane pour broyer les pigments corporels, étaient déposées dans les sépultures de l’Égypte ancienne. Entre 3300 et 3000 AEC, elles se sont transformées en objets rituels ornés, sur leurs deux faces, d’images associées à la royauté sculptées en bas-relief.[2] .
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[1] Période prédynastique, c. 3300–3100 AEC. Matière : siltite, dimensions : 42,5 x 22 cm. Provenance : Hiérakonpolis (Nekhen). Fouilles de l’Egyptian Research Account, 1898. Conservée aujourd’hui à l’Ashmolean Museum, Oxford. Référence : AN1896-1908 E.3924.
[2] Traduction adaptée d'après egypt-museum.com/two-dog-palette/
Cette œuvre offre une scène foisonnante où se mêlent animaux réels et créatures fabuleuses, au cœur d’un univers qui brouille la frontière entre le réel et l’imaginaire. Parmi ce bestiaire, la présence d’un théranthrope jouant de la flûte invite à une lecture à la fois symbolique et politique de l’objet.
La flûte jouée par l’animal mythologique s’inscrit dans une imagerie où la musique est associée à la magie et à la communication avec l’invisible. Dans l’Égypte ancienne, comme dans de nombreuses civilisations antiques, la flûte symbolise la capacité de charmer ou d’apaiser les forces du chaos et du désordre. Sur la palette, cette créature, portant une ceinture et jouant d’une flûte à embouchure terminale, incarne le pouvoir de la musique pour transcender les limites du monde ordinaire, unir ou dompter les forces sauvages, et établir un lien entre l’humain, l’animal et le divin. Ce motif artistique reflète l’imaginaire et les croyances des anciens Égyptiens, où la musique occupe une place centrale dans les rituels et la mythologie.
La scène peut également être lue comme une célébration du pouvoir royal face au chaos. L’enchevêtrement des animaux réels et mythiques, dont le serpopard et la créature musicienne, illustre la lutte entre l’ordre, incarné par la royauté et la civilisation, et le chaos, représenté par le désert et ses créatures sauvages ou hybrides. Ce thème est central dans la mythologie égyptienne, où le roi doit maîtriser les forces du désordre pour garantir la stabilité du monde. La présence de motifs exotiques et surnaturels, inspirés parfois par des échanges artistiques avec la Mésopotamie, renforce le prestige du souverain, capable d’intégrer et de dompter l’altérité, qu’elle soit réelle ou imaginaire.
Ainsi, la Palette aux deux chiens se prête à deux grandes interprétations : d’une part, la musique comme langage magique capable d’apaiser le chaos et de relier les mondes ; d’autre part, la
célébration du pouvoir royal qui triomphe du désordre et de l’inconnu. À travers ces lectures, la palette se révèle un manifeste de la créativité, de l’imaginaire et de la puissance symbolique de
l’art égyptien.
L’interprétation de la scène comme une célébration du pouvoir royal face au chaos rejoint directement le concept de Maât, où le roi (Pharaon), par son action, assure l’équilibre du monde et la victoire de l’ordre sur le désordre. La palette devient alors un
véritable manifeste de la royauté égyptienne, garante de l’harmonie universelle.
L'iconographie de l'Ancien Empire révèle un usage soliste de la flûte durant les moissons et en ensemble dans les banquets funéraires.
Dans le mastaba de Nenkhefetka (Saqqarah, Ve dynastie, c. -2465 /-2323 AEC, fresque aujourd'hui au Musée du Caire) la flûte est associée à la clarinette double et la harpe arquée. L'artiste qui a réalisé cette iconographie connaissait l'instrument dans ses moindres détails.
Nous avons remis, entre les mains du flûtiste et du joueur de clarinette primitive, de véritables instruments retrouvés en fouilles et exposés au Musée du Caire. Concernant la flûte, on constate qu'elle possède sept entrenœuds à l’instar de l’image du tombeau et que les trous de jeu tombent parfaitement sous les doigts du musicien.
La période de l'Ancien Empire est riche de plusieurs représentations de flûtes à embouchure terminale. Dans le mastaba de Mererouka, (Saqqarah, VIe dynastie -2374 /-2140), on peut voir un musicien soliste accompagnant un groupe de moissonneurs. La musique et le chant continuent, bien que de plus en plus rarement, d'accompagner les travaux champêtres dans certaines régions du monde où les tâches demeurent manuelles.
Un usage que l’on retrouve un millénaire plus tard dans le tombeau de Menna (XVIIIe dynastie, -1550/ -1292).
Lieu & date : Égypte. Durée : 03:27. © Patrick Kersalé 2022-2025.
L’organologie ne tient pas compte de la position de l’instrument durant le jeu. C'est pourquoi le terme « flûte oblique » est impropre. Il est préférable de nommer cet instrument « flûte à embouchure terminale non aménagée ». Il est connu en Égypte depuis l 'Ancien empire tandis que des peintures rupestres la font remonter à environ 9 000 ans selon les dernières datations.
Naissance de la flûte fonction de la disponibilité du matériau
Grands roseaux = grande flûte, nouvelles perspectives sonores, octaves inférieures
Rareté du matériau dans certaines zones
Échanges, pouvoir d'attraction