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Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 1995-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 30 juin 2025.
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SOMMAIRE
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À l’époque gallo-romaine, la flûte de Pan se déclinait principalement en deux typologies : la flûte polycalame et la flûte monoxyle. La première consiste en un assemblage de tuyaux de roseau, fixés entre eux par divers procédés tels que la ligature, la cire ou la poix. La seconde, dite monoxyle, est taillée dans une seule pièce de bois massif (buis, pin, etc.), ce qui requiert un savoir-faire artisanal spécifique et des techniques de perçage plus élaborées.
Les sources archéologiques et littéraires attestent de l’importance de ces instruments dans les pratiques musicales de l’Empire romain, notamment dans les milieux pastoraux. La flûte monoxyle, grâce à sa robustesse et à sa compacité, était particulièrement adaptée à l’usage itinérant des bergers, qui pouvaient ainsi transporter facilement leur instrument au fil de leurs déplacements. Cette typologie, nécessitant des moyens techniques supérieurs, offrait en outre une plus grande durabilité que les modèles polycalames assemblés.
Introduction
La flûte de Pan apparaît dans les textes latins sous deux noms : fistula et syringa. Cette double dénomination reflète la rencontre entre la culture grecque et romaine.
1. L'origine grecque : la syrinx et son mythe
Le terme syrinx (σύριγξ) vient directement du grec et est inséparable du mythe rapporté par Ovide. Dans les Métamorphoses (I, 689-712), Ovide décrit comment la nymphe Syrinx, poursuivie par Pan, est transformée en roseaux. Le dieu, ne pouvant la saisir, coupe les roseaux et en fait une flûte : "fistula [...] Pan [...] cum tenuit, non ipsa fuit, sed harundine summa [...] agrestem modulante deo" ("Quand Pan la saisit, ce n'était plus elle, mais des roseaux... Le dieu rustique en joue").
Ce récit fonde la dimension mythologique du terme syrinx, qui gardera toujours cette connotation poétique dans la littérature latine. La syrinx représente ainsi l'origine divine et merveilleuse de l'instrument.
2. L'adaptation romaine : le terme fistula
Les Romains, plus pragmatiques, utilisent principalement le terme fistula. Ce mot latin signifie originellement "tube" ou "conduit". Virgile, dans les Bucoliques (II, 31-33), décrit ainsi "Pan qui le premier enseigna à réunir plusieurs roseaux avec de la cire" ("Pan primus calamos cera coniungere pluris instituit").
Fistula devient le terme technique pour désigner l'instrument concret, sans la charge mythologique de syrinx. Varron, dans son De Re Rustica (II, 3, 8), l'emploie simplement pour parler des bergers qui jouent de la flûte : "Pastores dicuntur qui canunt fistula".
3. La coexistence des deux termes
Les deux termes coexistent parce qu'ils répondent à des besoins différents. Syrinx évoque l'origine légendaire et poétique de l'instrument, tandis que fistula décrit l'objet réel. Cette complémentarité apparaît clairement chez les auteurs :
Isidore de Séville (Etymologiae, III, 21) résume cette dualité : "Fistula est quam Graeci syringa vocant" ("La fistula est ce que les Grecs appellent syrinx").
Conclusion
La double dénomination de la flûte de Pan en latin n'est donc pas une contradiction, mais révèle deux approches culturelles : syrinx pour la dimension mythique grecque, fistula pour la réalité romaine. Cette richesse linguistique témoigne de la fusion des héritages culturels dans le monde romain.
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Références
Ovide, Métamorphoses I ; Virgile, Bucoliques II ; Varron, De Re Rustica II ; Tibulle, Élégies II ; Isidore de Séville, Etymologiae III. Consultables sur Perseus Digital Library ou The Latin Library.
Lors de la séance du 22 février 1907, M. Théodore Reinach présenta à l'Académie une remarquable découverte archéologique : une flûte de Pan antique trouvée lors des fouilles d'Alise-Sainte-Reine (l'antique Alésia) le 26 juin 1906. L'instrument gisait au fond d'un puits de 23 mètres de profondeur, préservé dans la vase parmi divers artefacts gallo-romains. La présence d'une monnaie de Sévère Alexandre permit de dater approximativement l'objet du IIIe siècle ap. J.-C.
Après une restauration minutieuse au musée de Saint-Germain-en-Laye, l'instrument révéla ses caractéristiques uniques. Il s'agit d'une mince tablette rectangulaire en buis (115 mm de haut, 77 mm de large) comportant sept tuyaux creusés dans la masse du bois, plus un huitième partiellement détruit. Les tuyaux, de profondeur décroissante (de 71 à 35,5 mm), présentent une particularité technique : leur extrémité inférieure se rétrécit brusquement en pointe. Le décor géométrique gravé sur la face antérieure se compose de demi-disques et de traits horizontaux. Ces derniers conservent le souvenir des ligatures qui assemblaient les roseaux sur les flûtes polycalames. Une perforation ménagée à la base de l'instrument permettait de passer un lien.
L'analyse acoustique révéla des sons particulièrement aigus, conformément aux descriptions antiques de la flûte de Pan. Deux approches furent employées pour déterminer sa gamme :
Une seconde syrinx, presque identique, a été découverte en 2004 sur le site de la ville gallo-romaine de Tasgetium (Eschenz, canton de Thurgau, Suisse).
Le frestel, par Pierre-Alexis Cabiran & Lionel Dieu
Durée : 04:06.
Le frestel de Jarvik-York
Durée : 00:35.
Patrick Kersalé improvise une mélodie sur un petit frestel, fac similé d’un vestige retrouvé sur le site archéologique de Jarvik-York (Royaume-Uni).
Le frestel de Chartres
Durée : 00:55.
Pierre-Alexis Cabiran improvise une courte pièce sur le frestel à quatre trous qu'il a réalisé d'après l'iconographie de l’annonce aux bergers du portail de la Vierge de la cathédrale de Chartres (vers 1145).
La flûte de Pan monoxyle et son usage n’ont pas disparu avec la chute de l’Empire romain. Cet instrument a continué à jouer un rôle dans la vie quotidienne en France, en Espagne et au Portugal au fil des siècles. Il était principalement utilisé par des artisans itinérants et des petits commerçants, qui s’en servaient comme moyen de signalement. Parmi ces utilisateurs, on trouvait notamment les rémouleurs, les marchands de lait de chèvre, les réparateurs de parapluies ainsi que les castrateurs de porcs.
Chaque praticien possédait une mélodie distinctive, exécutée sur une flûte émettant des sons aigus capables de traverser murs et fenêtres. Cette musique annonçait leur arrivée dans les villages, permettant ainsi aux habitants de les identifier facilement. Le dernier témoignage direct de cette tradition a été recueilli par GeoZik, qui a rencontré et enregistré en 1988 un rémouleur à Nazaré (Portugal) jouant une gaita de amolador en plastique.
Durée : 00:53. © P. Kersalé 1988-2025.
Reinach, T. (1907). Une flûte de Pan en bois découverte à Alise-Sainte-Reine (Alésia). Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 51(2), 100–104. https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1907_num_51_2_72022